22 octobre 2025

Maux de tête au réveil : un signe révélateur de l’apnée du sommeil ?

Se réveiller avec un mal de tête : quand faut-il s’inquiéter ?

Le matin, ouvrir les yeux avec une douleur tenace à la tête n’est jamais agréable. Pour beaucoup, ce désagrément se répète, sans explication évidente. Migraines, tension, stress ? Parfois, la vraie cause se cache ailleurs : dans la qualité du sommeil. Parmi les suspects à ne pas négliger figure l’apnée du sommeil, un trouble qui concerne jusqu’à 10 % de la population adulte selon la Haute Autorité de Santé.

Mais toutes les céphalées du matin ne sont pas dues à une pathologie lourde. Il existe de nombreuses autres causes : hydratation insuffisante, posture de sommeil, abus de médicaments, voire grincement des dents nocturne (bruxisme). Pourtant, lorsque ces maux s’associent à d’autres signes – comme une grande fatigue dans la journée – il vaut la peine de se poser la question de l’apnée.

Apnée du sommeil : de quoi s’agit-il, et pourquoi favorise-t-elle les maux de tête ?

L’apnée du sommeil est un trouble respiratoire qui provoque des arrêts involontaires de la respiration pendant la nuit, parfois des dizaines à des centaines de fois par nuit. Sans s’en rendre compte, la personne alterne micro-réveils et baisses d’oxygène sanguin. Le corps est constamment en alerte, sans pouvoir profiter d’un sommeil réparateur.

Selon les dernières études européennes (Somers V.K. et al., The Lancet Respiratory Medicine, 2021), près d’1 adulte sur 4 présenterait des épisodes d’apnées légers à modérés, et au moins 1 sur 10 une forme grave. Cela concerne toutes les classes d’âge, mais le risque augmente avec l’âge, le surpoids, ou certains facteurs anatomiques.

Mais pourquoi l’apnée du sommeil provoque-t-elle des maux de tête matinaux ? Les chercheurs avancent plusieurs hypothèses :

  • Baisse de l’oxygénation nocturne : Chaque apnée provoque une chute du taux d’oxygène dans le sang, ce qui peut entraîner une dilatation des vaisseaux sanguins cérébraux.
  • Réveils répétés : Le sommeil fractionné augmente la sensibilité à la douleur, et dérègle les circuits cérébraux qui « modulent » nos sensations.
  • Augmentation du CO2 : L’accumulation de dioxyde de carbone (CO2) pendant les apnées modifie le pH sanguin. Ce déséquilibre active des récepteurs provoquant céphalées et migraines (expliqué par Rupprecht et al., Cephalalgia, 2019).

Fait marquant : une étude française publiée en 2020 (Lévy et al., Revue Neurologique) indique que 30 à 60 % des patients atteints d’apnée du sommeil rapportent des maux de tête matinaux fréquents, contre seulement 5 à 10 % des personnes sans apnée. Un chiffre qui invite à la vigilance.

Comment différencier un mal de tête « banal » d’un mal de tête d’apnée ?

Il existe plusieurs types de maux de tête (ou céphalées) qui surviennent au réveil, mais la « céphalée du sommeil » typique a ses particularités. Selon la International Classification of Headache Disorders (ICHD-3), un mal de tête lié à l’apnée du sommeil présente souvent les caractéristiques suivantes :

  • Douleur bilatérale : elle touche les deux côtés de la tête.
  • Durée courte : elle disparaît en moins de quatre heures après le réveil.
  • Type de douleur : douleur « presse », peu pulsatiles, d’intensité plutôt modérée.
  • Absence de nausée ou de photophobie : contrairement aux migraines, il n’y a généralement pas de vomissements ni de gêne à la lumière.
  • Sensation de fatigue ou « gueule de bois » matinale.

À l’inverse, les céphalées dues à la déshydratation ou à la tension musculaire (liée à une mauvaise position) sont souvent différentes : elles persistent plus longtemps dans la journée ou se calment après quelques mouvements, hydratation ou prise alimentaire.

Mais au moindre doute, et surtout si les maux de tête sont associés à un sommeil non réparateur, une somnolence excessive, des ronflements sonores, ou des pauses respiratoires rapportées par l’entourage, une consultation médicale s’impose.

Apnée du sommeil : les autres signes d’alerte à connaître

Même si les céphalées matinales peuvent mettre la puce à l’oreille, elles ne sont jamais le seul symptôme possible de l’apnée du sommeil. D’autres signaux fréquents méritent attention :

  • Ronflements puissants et quotidiens : selon la Sleep Foundation, 80 % des patients apnéiques sont de gros ronfleurs.
  • Pauses respiratoires observées par le conjoint ou la famille.
  • Sensation d’étouffement, de suffocation ou de « lutte » pour respirer la nuit.
  • Fatigue inexpliquée malgré un temps de sommeil suffisant.
  • Irritabilité, difficultés de concentration, voire troubles de la mémoire.
  • Besoin d’uriner fréquemment la nuit (nycturie).

La combinaison de plusieurs de ces symptômes, même légers, doit conduire à évoquer l’apnée, surtout si le surpoids, l’hypertension, ou certains antécédents familiaux sont présents.

Maux de tête matinaux et apnée : ce que disent les études récentes

Depuis une dizaine d’années, de nombreux travaux scientifiques se sont penchés sur le lien entre céphalées du matin et apnée. Certains chiffres sont parlants :

  • Environ 45 % des personnes avec apnée du sommeil sévère souffrent de maux de tête chroniques selon une méta-analyse par Nguyen et al. (Sleep Medicine Reviews, 2022).
  • Après traitement de l’apnée (notamment la pression positive continue, ou PPC), 60 à 80 % des patients voient leurs maux de tête disparaître ou nettement diminuer (Rains et al., Headache, 2020).
  • Plus le nombre d’arrêts respiratoires nocturnes est élevé, plus la fréquence des céphalées matinales augmente (Gagnadoux et al., Chest, 2002).
  • Les femmes sont légèrement plus à risque de développer des maux de tête associés à l’apnée, notamment après la ménopause (Liotta et al., Sleep Health, 2019).

Ces liens étroits expliquent pourquoi les neurologues et les spécialistes du sommeil travaillent main dans la main pour améliorer la prise en charge.

Quels leviers et solutions prévenir et soulager les maux de tête matinaux d’origine apnéique ?

La bonne nouvelle, c’est qu’agir sur l’apnée du sommeil permet, dans la majorité des cas, de faire reculer nettement les maux de tête au réveil. Les actions à mettre en œuvre sont multiples, et adaptées à chaque situation.

1. Le dépistage précoce

Un simple questionnaire, comme le score NOSAS (test disponible sur ce site), l’échelle d’Epworth ou Berlin, permet de cibler les personnes à risque. Les examens de confirmation sont aujourd’hui réalisables à domicile : polygraphie ventilatoire, enregistrement du sommeil (polysomnographie).

Parler à son médecin de ses symptômes, même lorsqu’ils paraissent anodins, améliore significativement les délais de prise en charge.

2. Traitements éprouvés

  • La pression positive continue (PPC) : premier traitement, elle supprime l’obstruction nocturne. Les études montrent qu’elle réduit le nombre et l’intensité des céphalées matinales dans plus de 70 % des cas dès les premières semaines (Sleep Research Society, 2021).
  • Orthèses d’avancée mandibulaire : pour certains profils, la gouttière nocturne élargit le passage de l’air, et peut permettre d’éviter ou de réduire les maux de tête.
  • Perte de poids, réduction de l’alcool, adaptation de la position de sommeil : ces mesures de base renforcent l’efficacité des traitements médicaux et diminuent la fréquence des réveils douloureux.

Dans quelques rares cas, d’autres solutions complémentaires peuvent être discutées : intervention chirurgicale ORL, prise en charge du bruxisme, adaptation de la literie. Il est important de rester accompagné par un professionnel.

3. Hygiène de vie et gestes simples

  • Limiter la caféine en fin de journée pour préserver le sommeil profond.
  • Garder une bonne hydratation.
  • S’assurer d’une chambre calme, aérée et sombre, pour limiter les micro-éveils.
  • Éviter les repas trop riches (qui favorisent la fragmentation du sommeil).

Agir sur le quotidien, même par de petits gestes, donne rapidement des résultats qui encouragent à persévérer.

Faut-il consulter en urgence ? Le point sur les signaux d’alarme

Céphalées matinales et apnée du sommeil mettent rarement directement la vie en danger, mais certains signes doivent faire réagir sans attendre :

  • Mal de tête sévère, brutal et inhabituel.
  • Association avec troubles de la vision, paralysie, troubles de l’élocution, confusion.
  • Vomissements marqués, fièvre, raideur de la nuque.
Si un ou plusieurs de ces symptômes apparaissent, il s’agit probablement d’une autre cause (méningite, accident vasculaire...) : appelez immédiatement un médecin ou les urgences. Le reste du temps, un bilan du sommeil peut se programmer dans les jours ou semaines qui suivent.

L’avenir de la prévention : comprendre et agir pour préserver son sommeil et sa santé globale

Les connaissances sur les liens entre sommeil et santé cérébrale progressent à grands pas. Prendre au sérieux les maux de tête du matin, c’est aussi miser sur la prévention d’autres complications : hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires.

S’informer, s’auto-observer, et ne pas hésiter à consulter crée de réels changements. Les tests de dépistage (comme le score NOSAS), les applications de suivi du sommeil et l’échange avec un professionnel (médecin, kinésithérapeute, pharmacien) sont des outils pour tous. N’oublions pas que bien dormir, c’est aussi se donner les moyens d’agir sur la durée et la qualité de sa vie.

Les maux de tête qui gâchent les matins peuvent être un « symptôme sentinelle ». En parler, c’est ouvrir la porte à un parcours de soins qui protège bien plus que le sommeil… et ce, à tout âge.

Sources :

  • Haute Autorité de Santé : Guide dépistage apnée du sommeil, 2022
  • Somers VK et al. The Lancet Respiratory Medicine, 2021
  • Rupprecht et al., Cephalalgia, 2019
  • Lévy et al., Revue Neurologique, 2020
  • Nguyen et al., Sleep Medicine Reviews, 2022
  • Rains et al., Headache, 2020
  • Gagnadoux et al., Chest, 2002
  • Liotta et al., Sleep Health, 2019
  • Sleep Research Society, 2021
  • Sleep Foundation : Sleep Apnea, 2022
  • International Classification of Headache Disorders (ICHD-3), 2018

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