15 septembre 2025

Que se passe-t-il quand les voies respiratoires se ferment pendant le sommeil ?

Une plongée au cœur de votre respiration nocturne

Respirer. Ce geste paraît si simple quand on est éveillé. Mais la nuit, la mécanique se complique : certaines personnes voient leur « tuyauterie » respiratoire se refermer, parfois temporairement, parfois plusieurs centaines de fois par nuit. Ce phénomène n’est pas anodin : il est au cœur de l’apnée obstructive du sommeil, un trouble qui touche près d’1 adulte sur 5 selon Santé publique France et dont la plupart des porteurs l’ignorent (source : Santé publique France).

Mais que signifie exactement « fermeture » des voies respiratoires pendant le sommeil ? Quels mécanismes sont à l’œuvre dans la gorge, la langue, le palais ? Pourquoi cela ne se produit-il pas (ou rarement) quand on est éveillé ? Et, surtout, que peut-on faire pour éviter ce phénomène ?

Plongeons ensemble dans la physiologie discrète – mais essentielle – de la respiration nocturne.

Le chemin de l’air : comprendre l’anatomie pour comprendre les blocages

Avant de détailler ce qui ne va pas, repartons du début : l’air entre par le nez ou la bouche, descend dans le pharynx, puis la trachée, pour finir dans les poumons. C’est la portion entre le nez (ou la bouche) et le larynx (où commencent les cordes vocales) qui pose problème : on l’appelle le pharynx.

  • Le palais mou : il ferme la communication avec le nez lors de la déglutition, mais doit rester ouvert pour respirer.
  • La langue : puissante, elle occupe une bonne partie de la cavité orale.
  • Les muscles pharyngés : ce sont eux qui maintiennent la lumière ouverte.

Le pharynx est un tube mou, sans armature osseuse : il peut donc s’affaisser, surtout si les potentiels « obstacles » (langue, amygdales, voile du palais) prennent trop de place, ou si la force des muscles diminue.

Schéma de la zone à risque

Région Éléments-clés Risque de fermeture
Nasopharynx Arrière du nez, adénoïdes Chez l’enfant (végétations)
Oropharynx Voile du palais, langue, amygdales Chez l’adulte (apnée du sommeil)
Laryngopharynx Épiglotte et entrée du larynx Rarement en cause

Mécanismes de la fermeture des voies respiratoires pendant le sommeil

En journée, les muscles de la gorge, même sans y penser, restent toniques : ils gardent ouvert le passage. La nuit, tout se relâche… mais pas de la même façon chez tout le monde.

  • Diminution du tonus musculaire : En sommeil profond, le cerveau envoie moins de signaux d’activation aux muscles. Ceux du pharynx deviennent alors « flasques ».
  • Effet de la gravité : En position couchée, la langue et les tissus mous reculent vers le fond de la gorge. Le risque est doublé en position dorsale.
  • Pression négative à l’inspiration : Lorsque l’on inspire, la « suction » à l’intérieur du pharynx attire les parois vers l’intérieur.

Si les tissus sont trop épais, ou les muscles trop relâchés, la combinaison de ces facteurs suffit à fermer, partiellement ou tout à fait, la voie respiratoire. Un point important : on parle alors d’obstruction dynamique, c’est-à-dire liée à l’interaction entre anatomie et fonctionnement musculaire.

Qui est le plus exposé ? Facteurs de risque et chiffres clés

La fermeture des voies respiratoires n’est pas une fatalité universelle : certains sont beaucoup plus à risque que d’autres. Voici les principaux facteurs identifiés par des études cliniques (sources : PMC, SFRMS) :

  • Âge : Le relâchement musculaire s’aggrave avec l’âge, surtout après 50 ans.
  • Surpoids et obésité : Le tissu graisseux autour du cou et de la gorge augmente le risque. Chez les personnes obèses, la prévalence de l’apnée grave dépasse 40 %, contre moins de 10 % dans la population générale.
  • Sexe masculin : Les hommes sont deux fois plus exposés que les femmes avant la ménopause : la testostérone modifie la masse des tissus et la répartition des graisses.
  • Facteurs anatomiques individuels : Mâchoire reculée (rétrognathie), amygdales volumineuses, langue surdimensionnée, ou palais mou trop long sont des risques connus.
  • Consommation d’alcool ou de sédatifs : Ces substances augmentent le relâchement musculaire nocturne.

Conséquences de la fermeture des voies respiratoires : bien plus qu’un simple ronflement

Lorsque les voies se ferment partiellement, l’air peine à passer : c’est le ronflement. Mais si elles se ferment entièrement, même pour quelques secondes, l’oxygène ne parvient plus jusqu’aux poumons. On parle alors d’apnée (pause respiratoire) ou d’hypopnée (réduction du flux).

Le cerveau s’en alerte (parfois sans que la personne ne s’en rende compte !) et provoque un micro-réveil pour relancer la respiration. Ces cycles se répètent : chez les patients souffrant d’apnée obstructive sévère, jusqu’à 60 fois par heure de sommeil (NEJM).

  • Sommeil fragmenté : difficulté à atteindre un sommeil profond et réparateur.
  • Fatigue, somnolence diurne : impossible de compenser le sommeil perdu par la journée.
  • Risque cardiovasculaire accru : hypertension artérielle, arythmie, infarctus, AVC (la prévalence de l’apnée du sommeil est de plus de 50 % chez les patients hypertendus non contrôlés).

La gêne n’est donc pas qu’un simple « désagrément » sonore : elle a des conséquences systémiques sur l’organisme.

Pourquoi les voies respiratoires résistent mal au sommeil ? Explications physiologiques

  • La spécialisation du pharynx Le pharynx chez l’humain est une merveille d’évolution, mais aussi une faiblesse. Il doit servir à la fois à respirer, parler et avaler, avec une géométrie complexe… et peu de soutien rigide ! Cette polyvalence a un coût : il est vulnérable à la fermeture, surtout pendant la relaxation du sommeil paradoxal.
  • Les pièges du sommeil profond Vers la phase REM (où l’on rêve), le tonus musculaire de tout le corps chute à son minimum. Le relâchement, physiologiquement utile pour éviter de « vivre » ses rêves, laisse le passage d’air quasiment sans défense.
  • L’influence des routes nasales L’obstruction nasale (rhume, polypes, déviation de la cloison) augmente le passage par la bouche, et donc la propension à l’effondrement pharyngé. Selon l’étude internationale « Sleep Heart Health Study », plus de 70 % des patients souffrant d’apnée obstructive ont également une obstruction nasale chronique.

Comment dépister et prévenir la fermeture nocturne ?

  • Sensibilisation aux signes d’alerte :
    • Ronflement habituel
    • Arrêts respiratoires rapportés par l’entourage
    • Sensation d’étouffement pendant la nuit
    • Fatigue persistante au réveil
    • Céphalées matinales
  • Utilisation de scores prédictifs :
    • Le score NOSAS (European Respiratory Journal), facile à utiliser pour estimer son risque individuel.
    • Le questionnaire STOP-BANG, employé à l’hôpital.
  • Méthodes d’exploration du sommeil :
    • Polygraphie respiratoire nocturne : enregistre les flux d’air et les efforts respiratoires à domicile.
    • Polysomnographie : examen complet à l’hôpital, indicateur de référence.

Des solutions concrètes pour garder les voies ouvertes

Il existe aujourd’hui des approches personnalisées, dont l’efficacité est étayée par de multiples recherches (PMC, Resmed) :

  1. Allégement du surpoids : Perdre 10 % de son poids réduit, selon les études, de 20 à 30 % la sévérité des apnées dans certaines populations.
  2. Traitements positionnels : Éviter de dormir sur le dos, utiliser des oreillers spécifiques : simple mais efficace pour certains (on dit qu’environ 60 % des apnées sont accentuées en position dorsale).
  3. Pression positive continue (PPC/CPAP) : L’air est soufflé doucement dans le nez via un masque, maintenant les voies ouvertes. C’est le traitement le plus éprouvé pour l’apnée sévère.
  4. Orthèses d’avancée mandibulaire : Ressemblant à un protège-dents, elles avancent la mâchoire et libèrent le passage pharyngé.
  5. Chirurgie (cas particuliers) : Réduction des amygdales, remodelage du voile du palais ou de la langue, lorsque l’anatomie l’impose.

D’autres approches comme la rééducation myofonctionnelle (kinésithérapie des muscles de la langue et du pharynx) gagnent en popularité, principalement chez les personnes qui, malgré la minceur, présentent une faiblesse musculaire locale (JAMA Otolaryngol Head Neck Surg).

Prendre soin de ses nuits, c’est agir pour sa santé globale

Comprendre comment et pourquoi les voies respiratoires se ferment la nuit, c’est franchir un grand pas vers la prévention active. Les blocages ne sont pas une fatalité : en reconnaissant les signes d’alerte et en agissant précocement, beaucoup de complications peuvent être évitées. La clé : un dialogue entre vigilance personnelle, prise de conscience et appui médical si besoin.

Mieux respirer la nuit, c’est se donner les moyens de mieux vivre le jour. Parlez-en, testez, partagez. Votre sommeil mérite le meilleur soutien !

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