2 octobre 2025

Comprendre la baisse d’oxygène pendant l’apnée du sommeil : ce qui se passe réellement dans votre corps

Le phénomène apnée du sommeil : bien plus qu’une simple pause respiratoire

L’apnée du sommeil, que l’on estime toucher jusqu’à 8% de la population adulte en Suisse, n’est pas juste une histoire de ronflements ou de fatigue au réveil. Son véritable danger se cache dans le sang : à chaque épisode, le taux d’oxygène chute (1). Mais pourquoi ce phénomène ? Que se passe-t-il concrètement côté respiratoire, vasculaire et cellulaire ?

Le mot « apnée » vient du grec apnoia, qui signifie « cessation de la respiration ». Durant le sommeil, la gorge peut se relâcher au point d’obstruer partiellement ou totalement le passage de l’air. L’air n’arrive plus normalement jusqu’aux poumons, réduisant ainsi l’oxygène transmis au sang, et, par ricochet, à tous les organes. Mais le corps ne reste pas passif — plusieurs mécanismes de défense et de compensation s’activent, parfois à votre insu.

Une cascade d’événements : que se passe-t-il minute après minute lors de l’apnée ?

  • Obstruction des voies aériennes supérieures
  • Interruption ou diminution du flux d’air
  • Baisse rapide de la saturation en oxygène du sang
  • Micro-réveils et réactions physiologiques (suractivité du cœur et du cerveau)

Le schéma classique est le suivant : la langue et les tissus mous du palais s’affaissent pendant le sommeil, surtout en phase de sommeil profond ou paradoxal, et bloquent le passage de l’air. Cela s’appelle l’obstruction des voies aériennes supérieures, à l’origine des apnées obstructives (la forme la plus fréquente).

Le rôle fondamental de la gorge et des voies respiratoires

Le relâchement musculaire nocturne n’affecte pas tout le monde de la même façon. Certains facteurs de risque rendent ce phénomène plus probable :

  • Anatomie particulière (gorge étroite, langue volumineuse, palais épais)
  • Surcharge pondérale et accumulation de tissus graisseux autour de la gorge
  • Âge et perte du tonus musculaire naturel
  • Consommation d’alcool ou de sédatifs avant d’aller dormir

Flux d’air bloqué : premiers effets sur l’oxygène

Quand la gorge s’obstrue, peu ou pas d’air parvient dans les poumons. Là, les échanges gazeux (oxygène contre gaz carbonique) sont perturbés. En quelques secondes, la saturation en oxygène (mesurée par le fameux « SpO2 ») peut passer de 96-98% (la norme) à moins de 90%, voire plus bas lors des apnées sévères (2). Les alarmes du corps se déclenchent.

Pourquoi le sang s’appauvrit-il si vite en oxygène ?

Le sang humain ne peut « stocker » que très peu d’oxygène. Presque tout l’oxygène circulant est fixé à une molécule, l’hémoglobine, dans les globules rouges. À chaque inspiration normale, on renouvelle cet apport. En cas d’apnée, l’absorption d’oxygène chute et l’hémoglobine n’est plus suffisamment rechargée.

Mais tout ne s’arrête pas d’un coup : le cœur continue de pomper pour alimenter le cerveau et les organes vitaux, qui sont très sensibles au manque d’oxygène. Le cerveau, par exemple, représente seulement 2% du poids corporel mais consomme près de 20% de l’oxygène disponible au repos (3).

Le « SpO2 » ou comment mesurer la gravité des apnées

La SpO2 (saturation pulsée en oxygène) descend à chaque épisode d’apnée. Un adulte sain en veille se situe généralement au-dessus de 96%. Certains patients avec apnées multiples voient leur SpO2 plonger sous les 85%, voire jusqu’à 70% lors de nuits particulièrement touchées.

  • En général, une chute de plus de 4% est considérée comme significative.
  • Des recherches publiées dans le New England Journal of Medicine montrent que certaines chutes sévères sont associées à une augmentation du risque cardiovasculaire de 2 à 5 fois (4).

Que fait le cerveau lorsqu’il sent l’oxygène chuter ?

Le cerveau est équipé de véritables capteurs d’alerte appelés « chémorécepteurs », situés dans le tronc cérébral et les carotides. Ils analysent en temps réel la quantité d’oxygène dans le sang. Lorsque ces capteurs détectent une baisse brutale, ils déclenchent une série de réponses :

  • Stimulation du système nerveux sympathique (celui du stress)
  • Accélération du rythme cardiaque
  • Augmentation de la pression artérielle
  • Petits réveils inconscients (« micro-éveils ») pour relancer la respiration

Résultat : les phases profondes de sommeil sont interrompues, le cœur s’épuise et la fatigue s’accumule, même en dormant longtemps.

Un enchaînement de réactions en chaîne dans tout l’organisme

Rythme cardiaque et pression artérielle

À chaque chute de l’oxygène, le système cardiorespiratoire s’emballe momentanément. Le cœur pompe plus vite, la pression artérielle grimpe. Sur la durée, cela participe à l’augmentation du risque d’hypertension et d’accidents cardiovasculaires : infarctus, AVC, arythmies (5).

Baisse d’oxygène et métabolisme cellulaire

Les cellules ont besoin d’oxygène pour produire de l’énergie (via les mitochondries). Quand l’oxygène vient à manquer, elles basculent sur un mode « économie d’énergie » moins efficace : production d’acide lactique, stress oxydatif, inflammation chronique (6). Ce terrain favorise, à long terme, l’apparition de diabète, de troubles cognitifs et même certains cancers (7).

Quelques chiffres clés pour prendre la mesure du problème

  • Jusqu’à 60 micro-éveils par heure peuvent survenir chez les patients souffrant d’apnée sévère (source: Société européenne de pneumologie, 2021)
  • 15 à 25% des hommes entre 30 et 70 ans présentent une forme d’apnée obstructive plus ou moins marquée (INSERM, 2020)
  • En dix ans, le risque d’hypertension double chez les patients avec apnée mal traitée (American Heart Association, 2019)

L’apnée centrale, un autre mécanisme en jeu

Si dans la majorité des cas, l’origine est obstructive, il existe aussi des apnées centrales où le problème vient non des muscles, mais du cerveau. Ici, c’est le « centre respiratoire » (dans le tronc cérébral) qui oublie d’envoyer l’ordre de respirer. Les échanges gazeux sont alors interrompus sans obstruction mécanique, mais les conséquences sur l’oxygénation sont identiques.

Cette forme touche surtout les personnes âgées ou les patients souffrant d’insuffisance cardiaque sévère. Les signes peuvent être plus subtils, et parfois passer inaperçus.

Les conséquences d’une mauvaise oxygénation nocturne : pourquoi il faut réagir

Avec chaque nuit d’hypoxie (manque d’oxygène), le système nerveux sympathique reste activé. Ce stress chronique impacte de multiples fonctions corporelles:

  • Somnolence diurne et troubles de la concentration
  • Baisse des défenses immunitaires
  • Amincissement de la mémoire à court terme (mémoire de travail)
  • Risque multiplié pour certaines maladies neurodégénératives

Des études récentes montrent aussi que la récupération mentale et émotionnelle, qui survient justement pendant les longues phases profondes de sommeil, est altérée, exposant à des risques accrus d’anxiété ou de dépression.

Comment prévenir la chute de l’oxygène ? Les gestes qui comptent

La bonne nouvelle : il existe des solutions efficaces pour maintenir une oxygénation correcte la nuit et préserver vos organes. Les recommandations des spécialistes s’articulent autour de plusieurs axes :

  1. Gardez une hygiène de sommeil rigoureuse : Respectez la régularité des horaires, la sobriété en soirée (alcool, sédatifs, repas lourds).
  2. Contrôlez le poids : La perte de 5 à 10% du poids corporel divise par deux le nombre d’apnées chez les sujets en surpoids (source : JAMA 2009).
  3. Identifiez les signes d’alerte : Ronflements quotidiens, pauses observées, fatigue persistante, somnolence au volant, céphalées matinales sont des motifs justifiant une consultation.
  4. Faites-vous diagnostiquer : Un examen simple (polygraphie ou polysomnographie) permet d’évaluer la gravité, la SpO2 et d’orienter le traitement.
  5. Respectez les traitements prescrits : Appareil à pression positive continue (CPAP), orthèses d’avancée mandibulaire, rééducation oro-pharyngée, ou parfois chirurgie.

Il ne s’agit pas de culpabiliser, mais d’agir tôt, car l’apnée, et les baisses d’oxygène qui l’accompagnent, peuvent se corriger avec l’aide appropriée.

Se mobiliser pour la prévention : comprendre, c’est déjà agir

La baisse d’oxygénation pendant l’apnée du sommeil n’est pas une fatalité. Chaque action, même minime, réduit le risque de complications. Informez-vous, parlez-en autour de vous et n’hésitez pas à consulter si vous suspectez un problème. L’accès au diagnostic s’est nettement amélioré en Suisse ces dernières années, et la prise en charge peut vraiment transformer la qualité de vie.

Retrouvez sur ce blog des conseils, des outils d’autoévaluation (comme le score NOSAS) et des témoignages pour avancer pas à pas vers un sommeil réparateur.

Pour toute question, osez poser la vôtre à votre professionnel de santé : c’est le premier pas vers un sommeil plus sûr, et donc vers une meilleure santé globale.

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