1 novembre 2025

Apnée du sommeil : Pourquoi nuit-elle à la mémoire et à l’attention ?

Comprendre l’apnée du sommeil au-delà de la fatigue

Beaucoup imaginent que l’apnée du sommeil se résume à quelques ronflements un peu bruyants ou à des réveils nocturnes. Pourtant, ce trouble respiratoire va bien plus loin. Il est aujourd’hui reconnu que l’apnée du sommeil a des répercussions directes sur le cerveau, en particulier sur la concentration et la mémoire.

D’après la Haute Autorité de Santé (HAS), plus de 30% des personnes souffrant d’apnée du sommeil rapportent des difficultés de concentration et près d’un patient sur quatre décrit des troubles mnésiques notables (HAS, 2023).

Des nuits fragmentées… et un cerveau sous pression

Pour bien comprendre pourquoi l’apnée du sommeil affecte concentration et mémoire, il faut se pencher sur ce qu’il se passe durant la nuit :

  • Micro-éveils répétés : Lors d’apnées, le cerveau se réveille souvent brièvement pour relancer la respiration. Or ces interruptions, même très courtes, empêchent d’atteindre les phases profondes du sommeil, essentielles au bon fonctionnement cérébral.
  • Diminution de l’oxygénation : À chaque pause respiratoire, le taux d’oxygène dans le sang chute. Or le cerveau – et tout particulièrement l’hippocampe, zone clé pour la mémoire – est très sensible au manque d’oxygène.
  • Stress physiologique : Chaque réveil brusque s’accompagne d’une décharge d’adrénaline. Sur la durée, cela active un stress chronique, nocif pour le cerveau.

Que risque-t-on concrètement ? Résultats scientifiques et chiffres clés

Plusieurs études ont permis d’établir un lien clair entre apnée du sommeil et troubles cognitifs. L’étude landmark du Sleep Heart Health Study (publiée dans Sleep, 2001) a montré que les personnes souffrant d’apnée modérée à sévère avaient 2,5 fois plus de risques de développer des troubles de l’attention et de la mémoire que le reste de la population.

  • Chez l’enfant, l’apnée du sommeil est associée à une baisse du quotient intellectuel allant jusqu’à 10 points (source : Pediatrics, 2010).
  • Chez l’adulte, selon la cohorte HypnoLaus à Lausanne, 35% des apnéiques signalent régulièrement des oublis d’information récente.
  • Un patient apnéique sur trois se plaint de “flous” ou d’absences lors de tâches nécessitant de l’attention soutenue (source : European Respiratory Journal, 2014).

Des troubles plus sévères sont aussi observés chez les personnes présentant une apnée non prise en charge : ralentissement des réflexes, confusion matinale, ou sensations de « tête vide » lors de réunions ou de conversations.

Quels mécanismes en jeu ? Focus sur le cerveau et la mémoire

Le sommeil n’est pas un simple repos. Durant la nuit, le cerveau trie, consolide et stocke les informations acquises la veille. L’apnée trouble ce processus à plusieurs niveaux :

  • Atteinte du sommeil lent profond : Cette phase est capitale pour fixer la mémoire dite « déclarative » (faits, apprentissages récents). Or, l’apnée fractionne le sommeil profond et altère cet ancrage.
  • Rôle du sommeil paradoxal : C’est pendant le sommeil paradoxal que les souvenirs émotionnels et la créativité s’organisent. L’apnée, en fragmentant cette phase, peut affaiblir mémoire à long terme et flexibilité mentale.
  • Dysfonction de l’hippocampe : Cette structure du cerveau est essentielle pour mémoriser de nouveaux événements. Elle est sensible à l’hypoxie (manque d’oxygène), fréquente lors d’apnées. Plusieurs IRM ont montré que chez certains patients avec apnée sévère, l’hippocampe était moins actif voire réduit en volume (Neurology, 2008).

L’apnée du sommeil n’impacte pas seulement la mémoire :

  • Attention et concentration : plus de risques d’erreurs ou d’accidents, notamment sur la route.
  • Vitesse de traitement de l’information : lenteur inhabituelle à comprendre ou à réagir.
  • Fonctions exécutives : difficultés à organiser, planifier, multitâcher.

On estime qu’un tiers des accidents de la route liés à la somnolence pourraient être évités avec un diagnostic et une prise en charge de l’apnée du sommeil (AFAS).

Comment repérer les signes de ces troubles ?

Les troubles de la mémoire ou de la concentration liés à l’apnée sont parfois subtils. Voici quelques signaux d’alerte :

  • Difficulté à se souvenir de ce qui vient d’être dit ou fait.
  • Baisse de performance au travail ou à l’école, alors qu’aucun facteur extérieur ne l’explique.
  • Impression de « zapper » une conversation, de décrocher sans raison.
  • Manque d’énergie mentale pour entamer ou terminer des tâches.
  • Irritabilité ou humeur changeante, parfois avant même d’identifier une fatigue physique marquée.

Dans de nombreux cas, l’entourage remarque ces troubles avant la personne elle-même : oublis répétés, besoin de répéter souvent les mêmes consignes, ou tendance à s’égarer dans ses pensées.

Chez l’enfant, on observe parfois des difficultés scolaires, une agitation ou un déficit d’attention, symptomatiques mais rarement mis en lien avec le sommeil.

L’impact dans la vie quotidienne : des exemples concrets

Les troubles cognitifs liés à l’apnée du sommeil sont souvent vécus comme une gêne diffuse :

  • Dans la vie professionnelle : oublis de rendez-vous, difficulté à suivre une réunion longue, coup de mou en milieu de matinée malgré une nuit « complète » en apparence.
  • Dans la vie familiale : irritabilité, oublis de petites tâches du quotidien, sensation d’être « ailleurs » même avec ses proches.
  • Au volant : manque de vigilance, temps de réaction allongé, propension à la somnolence dangereuse.

Les conséquences vont au-delà du simple inconfort : elles peuvent mener à des erreurs graves ou à des situations à risque, et entretiennent parfois anxiété ou mésestime de soi.

Bonne nouvelle : prévention et solutions sont possibles

  • Le diagnostic précoce change tout : Plusieurs études montrent que la prise en charge médicale permet de récupérer rapidement de la mémoire et de la concentration. L’utilisation d’un appareil de PPC (pression positive continue) comme traitement standard réduit significativement les troubles cognitifs en quelques mois (Am J Respir Crit Care Med, 2011).
  • Des adaptations du quotidien :
    • Routine de sommeil régulière,
    • Optimisation de l’environnement de sommeil (sombre, calme),
    • Éviter la consommation d’alcool et de sédatifs,
    • Pratiquer une activité physique adaptée.
  • Des outils pour s’auto-surveiller : Les questionnaires tels que le score NOSAS, validés scientifiquement, permettent de repérer un risque accru d’apnée du sommeil et d’aller consulter plus tôt.
  • Un accompagnement personnalisé :

La prise en charge, notamment quand elle associe traitement médical et conseils de vie (soutien psychologique, exercices cognitifs simples), maximise les chances de récupérer pleinement ses facultés mentales.

À noter : la récupération cognitive n’est pas toujours immédiate — il faut parfois quelques semaines, voire quelques mois, pour constater une amélioration nette, mais la plupart des patients voient un changement positif.

Osez l’action : repérer, consulter, agir

La mémoire et la concentration sont précieuses. Il est facile de relier leurs troubles au stress ou à l’âge, mais de nombreuses études rappellent l’importance de penser aussi à la qualité du sommeil.

Si vous ou un proche souffrez de troubles cognitifs persistants, ou de fatigue injustifiée, il est opportun d’évaluer l’éventualité d’une apnée du sommeil, surtout s’il existe des facteurs de risque (surpoids, ronflements, hypertension, somnolence diurne).

  • Testez-vous avec des outils validés comme le score NOSAS.
  • Échangez avec votre médecin traitant ou un spécialiste du sommeil.
  • Ne vous résignez pas à voir vos capacités diminuer : agir tôt prévient des complications sur la santé et la qualité de vie.

Mieux comprendre le lien entre apnée du sommeil, mémoire et concentration, c’est aussi s’armer pour rester maître de ses facultés ! L’information et la prévention sont les premières portes vers un quotidien plus serein et retrouvé.

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